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Les Américaines pissaient sur le Coran et abusaient de nous sexuellement

La Gazette du Maroc, N° 415

Abdelhak Najib
Avril 11, 2005

Interview exclusive : Mohamed Mazouz, rescapé de Guantanamo

Mohamed Mazouz fait partie des cinq Marocains rescapés de Guantanamo. Après plus de trois ans et demi de détention entre le Pakistan, Kandahar, Bagram et Guantanamo, il vient d’être mis en liberté provisoire en attendant le verdict du 4 juillet 2005. Dans cet entretien exclusif avec LGM, il revient sur toutes les étapes de sa détention, sur la torture, le parallèle avec la prison d’Abou Ghrib et le sort des 12 autres Marocains qui sont toujours détenus par les Américains.

Mohamed Mazouz en compagnie d’Ibrahim Benchekroun, un autre rescapé de Guantanamo, lors de leur visite à la Gazette du Maroc.

LGM : Vous avez été arrêté au Pakistan, les accusations affirmaient que c’était en Afghanistan. Qu’en est-il réellement ?
Mohamed Mazouz : La réalité que tout le monde connaît est que j’ai été arrêté au Pakistan. J’y suis allé pour me marier. C’était exactement le 26 août 2001. J’habitais alors à Londres depuis quelques années et je n’avais pas de papiers. Il fallait me marier avec une Anglaise de nationalité qu’elle soit d’origine pakistanaise, indienne ou marocaine. C’était le seul moyen pour avoir mon permis de résidence en toute légalité. Le destin a fait que je me suis lié d’amitié avec un Pakistanais. Avec le temps, j’ai su qu’il avait une sœur en âge de se marier et j’ai demandé sa main. La famille a accepté et nous avons décidé de partir au Pakistan pour célébrer cette union. Le mariage a eu lieu et les choses allaient normalement. Il faut préciser ici que j’avais un visa d’un mois. Quatre jours avant notre retour, j’ai été arrêté sur un boulevard de Karachi alors que je marchais avec mon beau-frère pakistanais. Aujourd’hui, je ne sais rien de cette femme qui étais mon épouse, je n’ai pas où la contacter, j’ai perdu toute trace depuis ce jour où la police pakistanaise m’a arrêté.

Avant de revenir sur les causes de votre arrestation, arrêtons-nous un peu sur votre passage par la Russie. Vrai ou faux ?
Oui, c’est vrai. J’ai vécu quelque temps en Russie et exactement à Leningrad(Saint-Pétersbourg). J’étais inscrit à l’université navale avant de changer de branche pour prendre des cours à l’université d’architecture. Je suis arrivé en Russie le 8 mars 1998. Je m’en souviens toujours.

Pour quelles raisons avez-vous été arrêté au Pakistan?
Les choses sont simples. Je suis un homme arabe, mon aspect l’atteste fortement et l’époque était en effervescence dans la région. Ce jour-là, nous étions en train de nous promener, mon beau-frère et moi dans la rue à Karachi. Nous avons été abordés de façon inopinée par la police pakistanaise qui m’avait demandé mes pièces d’identité. Les policiers ont pris mes papiers et ayant compris d’où je venais, ils m’ont demandé de les accompagner pour un léger interrogatoire. Je me suis exécuté sans opposer la moindre résistance. On m’avait bien précisé que ce passage par leurs bureaux ne prendrait que 15 petites minutes. Les 15 minutes sont devenues 4 ans d’enfer entre Kandahar, Bagram et Guantanamo.

Dans quelles conditions avez-vous été interrogé au Pakistan ?
J’ai passé quatre jours au commissariat. Puis très vite, j’ai été transféré dans une prison où je suis resté 26 jours. Les questions étaient constamment les mêmes : pourquoi j’étais au Pakistan, quels livres je lisais, est-ce que ma famille est musulmane, est-ce que je faisais partie d’un groupe ou d’une organisation islamique… Pour moi, c’était la première fois de ma vie où la police m’interrogeait, j’étais à la fois choqué et surpris de tout ce qui se passait devant mes yeux. Une fois muté à une autre prison, j’ai rencontré d’autres Arabes dans cette geôle nommée Kohat. J’ai aussi rencontré des Ouzbeks, des Tadjiks et c’est là que la torture a commencé. Nous étions vers la fin de l’année 2001, en décembre exactement.

Quels types de tortures avez-vous subi ?
J’ai tout vécu de la part des autorités pakistanaises. Sans que la police m’ait adressé la moindre accusation. J’étais torturé et je ne savais même pas pour quelles raisons j’étais arrêté. Personne ne m’a dit quoi que se soit sur le motif de ma présence dans cette prison horrible. Nous avons été frappés, foulés aux pieds, sans nourriture, sans eau, sans pouvoir nous laver, sans pouvoir nous couper la barbe et les cheveux, agglutinés les uns sur les autres dans des conditions inhumaines. Le plus important à soulever ici est que nous avons tous été enchaînés avec du fer à l’aide d’un bâton en acier qui liait nos pieds à notre ceinture. Ceci nous paralysait littéralement. Nous avions des pieux plantés au travers du corps. Nous mangions avec, nous faisions nos besoins avec et cela a duré pendant plusieurs semaines. On nous a enlevés ses barres de fer le dernier jour avant le départ vers Kandahar. Il faut dire aussi que là, durant cette période, je n’avais rencontré aucun marocain.

Quand avez-vous été transféré à Kandahar ?
Je me souviens du jour où la police pakistanaise nous avait dit qu’une délégation d’Amnesty International est venue nous voir. Etant donné que je parle Anglais, j’ai eu plusieurs fois à vérifier que les gens qui étaient là pour nous interroger n’étaient pas du tout les représentants d’une organisation humanitaire. C’étaient des agents du FBI et de la CIA qui venaient faire des vérifications avant l’étape ultérieure. Le même jour, vers dix heures du soir, ils nous ont pris un à un, nous ont donné d’autres habits, une espèce de combinaison bleue. Nous avons été parqués vers l’aéroport et une fois sur place, nous avons été livrés à d’autres hommes. À l’odeur que j’avais sentie sur l’homme qui m’avait pris, j’ai su que ce n’était pas un Pakistanais. Là, nous avons été encapuchonnés à l’aide de sacs en toile. Mais avant cela, laissez-moi vous expliquer comment ils avaient couvert nos yeux. Ils mettent un tissu au début sur lequel il passe une deuxième bande très serrée puis ils scotchent sur les deux bandes un rouleau de sparadrap avant de mettre le sac en toile sur nos têtes. Et là, ils serrent au niveau de la gorge avec un fil très résistant. Je n’arrivais plus à respirer et j’entendais la voix d’une femme nous ordonner de bien nous tenir et de ne rien tenter qui puisse les déranger. Dans l’avion, nous avons été mis les uns à côté des autres, attachés avec des fils de fer liés à nos bras avec force. Ligotés directement à l’avion par le bas, écartelés pour ne laisser aucune chance au moindre mouvement. Au bout de quelque temps, l’avion a atterri à Kandahar: la cité de la torture.

Dans quelles conditions êtes-vous arrivé à Kandahar ?
Nous sommes arrivés la nuit. Nous avons été traînés comme des bêtes, l’un tirant l’autre dans sa marche. On nous avait ôté nos sandales et nous avait jetés par terre, à plat ventre. Nous sommes restés plus de 4 heures dans cette position. C’était l’hiver, il faisait glacial et nous étions à poils sur le sol à grelotter. Et il ne fallait pas bouger ni trembler. Ils nous avaient bien précisé de ne pas esquisser le moindre mouvement. "Don’t Move" c’était l’ordre de ne pas bouger d’un poil. Evidemment, c’était impossible avec ce froid. C’était plus fort que nous tous. On tremblait tous de la tête aux pieds. Et là, les soldats nous sautaient littéralement dessus, les brodequins sur le visage ou sur le dos, nous écrasant sur le sol. J’ai bougé comme tout le monde et un soldat m’avait asséné un coup de brodequin entre les cuisses. J’ai bien vu qu’il voulait faire éclater mes testicules. Mais le coup a épargné mes organes génitaux de quelques centimètres. Dans toute cette panoplie de torture que j’ai vécue depuis quatre ans, ce coup-là, je ne l’oublierai jamais de ma vie. Après quatre heures sur le sol, ils nous ont jetés dans des cellules sans habits. Nous avons été fouillés à poils dans des conditions humiliantes et les soldats se marraient et nous provoquaient. Après, ils avaient entamé les interrogatoires. Ton nom, d’où viens-tu, ce que tu fais ici, fais-tu la prière, qui tu connais, que penses-tu des attaques, as-tu rencontré Cheikh Oussama…

Avez-vous été visité par la Croix rouge à Kandahar ?
Oui, c’était le lendemain de notre arrivée à Kandahar. Mais je tiens à souligner un point que vos lecteurs et l’opinion publique doivent savoir. La Croix rouge n’a rien fait du tout pour nous durant toute cette période de détention en Afghanistan ou à Guantanamo. Sa présence était inutile. La seule chose qu’elle ait réalisée, c’était de nous faire parvenir quelques lettres. Je suis même sûr qu’ils étaient là pour servir les Américains et leur apporter l’aide. En somme, la Croix rouge a rempli son rôle de facteur et c’était tout.
Nous sommes restés là pendant de longs jours sans hygiène aucune à tel point que nous avions tous l’air de bêtes sauvages : les cheveux sales et longs, les corps noirs parce qu’on ne se lavait jamais, les ongles longs et sales, les barbes avaient envahi nos visages et nous donnaient des airs de fous. L’atmosphère était putride. Nous étions plus de vingt personne, dans une petite cellule avec des couvertures fines et éculées dans un froid insupportable. Nous avions des seaux en ferraille sales pour boire et l’eau le matin était de la neige tellement l’air était glacial. Nous avions deux petits repas, un à midi, l’autre à minuit. Le vice était de nous laisser face à la faim depuis le réveil à l’aube jusqu’à midi. Et le soir, ils nous arrachaient au sommeil pour manger à minuit. Les appels étaient le moment le plus dur. Ils pouvaient nous appeler à n’importe quel moment. On restait là, sans couverture à trembler dans la neige pendant des heures. Puis, quand l’envie les reprenait, il y avait un autre appel.

Et les interrogatoires ?
Les interrogatoires étaient quotidiens, faits par des Américains avec la collaboration de traducteurs arabes. Cela avait lieu dans les tentes en présence de tous les autres détenus et souvent, nous étions frappés au début, face contre sol, par des soldats fous, avant de commencer à répondre aux questions. Il y avait une technique précise qui consistait à jeter le détenu par terre, lui sauter sur le dos, lui éclater l’épaule avant de le frapper. Beaucoup d’entre nous avaient les omoplates fracturées et ont dû faire face aux froid et la faim, sans médication jusqu’au départ pour Guantanamo. Et l’interrogatoire pouvait durer des heures interminables. Et là, ils sortaient la grosse artillerie pour la torture. Il y avait d’abord les décharges électriques qui faisaient un mal sans pareil. Et ensuite, ils nous jetaient dans de gros barils d’eau pour nous étouffer. Ils avaient aussi le vice de nous mettre des torchons sales, pleins de tout ce que vous pouvez imaginer de dégoûtant sur la bouche et le visage. Pas de prière, pas de nourriture, pas d’eau, pas d’habits, sans couverture, pendant des jours.

Après cela, vous avez été transféré à Bagram ?
La prison de Bagram est la sœur jumelle d’Abou Ghrib en Irak. Sans donner trop de détails, nous avons vécu les mêmes tortures, les mêmes sévices physiques et psychologiques que les détenus en Irak. Vous savez, quand je suis entré au Maroc et que j’ai pu avoir accès aux journaux, j’ai découvert ce que les prisonniers irakiens avaient vécu à Abou Ghrib, c’étaient les mêmes techniques et les mêmes abus. Je pense aujourd’hui que Bagram a été le laboratoire qui a préparé Abou Ghrib. Nous étions dans des cellules individuelles et c’est là le plus grave puisqu’ils pouvaient tout essayer sur les prisonniers sans que personne ne sache ce qui se passait. Nous avons été humiliés dans nos corps, obligés à nous dénuder les uns devant les autres. Pire encore, on nous envoyait des femmes soldats qui provoquaient les détenus en les touchant sur leurs organes génitaux, en se mettant à poils devant eux ou alors en couchant avec d’autres soldats devant nous. Nous avons vu pire que cela et beaucoup de détenus ont été violés et faisaient tout pour le cacher. Mais nous savions ce qu’ils avaient subi de la part des soldats. D’autres techniques ont été employées comme de nous accrocher par des menottes sur des barres en fer accrochés aux murs. On pouvait rester suspendus pendant des nuits sans sommeil.
Après, ils en sont venus à l’étape des injections. À tour de rôle, on nous administrait des produits qui nous rendaient fous. On a appris par la suite que c’étaient des injections pour provoquer l’hystérie. Beaucoup avaient perdu la tête. D’autres ont contracté des maladies de peaux, des infections dermiques, des maladies rénales, des complications au foie, des migraines…

Quel traitement était réservé au Coran ?
Ici, je tiens à faire savoir au monde entier à travers ce que je dis jusqu’où les Américains sont allés pour nous humilier et bafouer nos principes les plus élémentaires. Il s’agit du traitement infligé au Coran. Tout ce qui pouvait le réduire à néant était utilisé. Ils ont pissé dessus, ils l’ont déchiré, ils l’ont coupé aux ciseaux devant nous, ils ont déféqué dessus en badigeonnant nos visages avec. Oui, il faut dire tout ceci pour que le monde musulman réalise quel degré de haine ce livre sacré leur inspire. Parce que je ne vois pas pourquoi en arriver là. Un jour, et en présence de la Croix rouge, ils avaient pris tous les corans de la prison pour les déchirer devant nous tous. Ils se comportaient à l’égard du Livre sacré comme s’il s’agissait d’un vulgaire objet. Quand on protestait, nous étions torturés à mort. Et à chaque fois qu’ils agissaient de la sorte à l’égard du Coran, nous nous soulevions et évidemment nous étions punis en conséquence. C’était un cercle vicieux. L’autre forme de torture consistait à lâcher des chiens sur nous alors que nous sommes nus, dans des douches, en groupes. Ou alors au moment des interrogatoires. Les chiens sont rôdés pour ce type de travail et les prisonniers se faisaient parfois mordre violemment. C’était à en devenir fou, à la fois la peur, l’hystérie, les cris des uns et des autres, le froid, la faim et les fortes migraines. Pour ma part, je faisais partie des premiers arrivés et des derniers à partir. J’ai tout vécu.

Après six mois entre Kandahar et Bagram, vous êtes transféré à nouveau à Guantanamo. Comment cela s’était-il déroulé.
Je peux dire qu’entre Kandahar et Bagram, j’ai vécu la glace de l’hiver et l’enfer de l’été. J’ai été appelé le 14 juin 2002 pour un interrogatoire et le 15 juin, nous avons été embarqués dans des avions vers Guantanamo. C’est le voyage que je ne pourrais jamais oublier de ma vie. D’abord, c’était un voyage de plus de 24 heures. Nous étions tous menottés, accrochés à la base de l’avion les uns liés aux autres. On nous avait mis des espèces de lunettes sur les bandages pour boucher la vue ainsi que d’autres gros écouteurs sur les oreilles pour ne rien entendre. Ils nous avaient mis du scotch sur la bouche et un tissu sur le nez avant de nous passer des espèces de cagoules qu’ils ont fini par serrer au niveau de la gorge comme lors du premier voyage vers Kandahar. On avait aussi des gants unis sur les mains pour ne pas bouger. En somme, ils avaient annihilé tous nos sens. Ni voir, ni entendre, ni parler, ni sentir, ni bouger les doigts.

Comment avez-vous su que vous alliez être transférés à Guantanamo ?
Les voyages avaient débuté à notre arrivée à Kandahar. On entendait parler de ces opérations. Après quelques mois, on a pu avoir quelques liens avec certains gardes à qui nous posions des questions sur ces voyages. C’est par eux que nous avons appris que la destination était Guantanamo à Cuba. Avant l’arrivée à Guantanamo, je n’avais encore rencontré aucun Marocain ni à Kandahar, ni à Bagram. Nous n’avons pas eu à manger durant ce voyage ni la possibilité d’aller faire nos besoins. Les soldats avaient obligé les détenus à mettre des couches pour bébés pour éviter tout incident. En cas de fatigue, les soldats venaient nous frapper pour que nous nous tenions droits.

Nous avons appris que les interrogatoires ont eu lieu le même jour de votre arrivée à Guantanamo.
Oui, c’est vrai. Une fois arrivés, ils nous avaient pris et jetés sous le soleil des Caraïbes. Sans habits, à poils. Nous y sommes restés pendant des heures. Après, nous avons été conduits aux interrogatoires. Une nuit en avion, attachés et sans nourritures, des heures sous le soleil et puis directement la torture et les questions. Pour ma part, ils n’ont eu en guise de réponse qu’un vomi tellement j’avais mal à la tête et j’avais le tournis. Ils m’ont reconduit dans ma cellule de deux mètres de long sur 1m 80 de large.

Comment avez-vous vécu pendant plus de deux ans et demi à Guantanamo ?
Nous étions chacun dans une cellule avec un bon de sortie pour promenade deux fois par semaine, à raison de 15 minutes à chaque fois. Complètement isolés les uns des autres. Même lors des promenades où il fallait marcher tout seul sur une distance de quelques mètres. On ne pouvait même pas courir ou faire du sport. Impossible de toucher un autre Marocain puisque nous étions isolés. Mais on savait par les dires des autres détenus qui arrivaient d’autres secteurs qu’il y avait un Marocain de Safi dans tel pavillon, un autre de Berkane dans tel autre. Et on demandait la description exacte du Marocain pour le reconnaître même de loin et lui faire un signe. C’est de cette façon que j’ai reconnu de loin Abdellah Tabarek, Ibrahim Benchekroun, Redouane Chekkouri et Mohamed Aouzar. En cachette, loin des regards des soldats qui nous gardaient, on tentait de se faire des signes, et on attendait le jour où la chance pouvait nous permettre de nous rencontrer dans le même pavillon pour échanger des bribes de mots. Il nous est arrivé d’être percés à jour et là, on était torturé à mort par les gardes qui nous interdisaient toute tentative de liaison entre nous.

De quoi disposiez-vous comme objets pour vivre à Guantanamo ?
Une couverture, un lit d’une épaisseur de 5 centimètres et le Coran. De temps à autre, une petite serviette et la douche quand les soldats le décidaient eux-mêmes. Une petite brosse à dent. En ce qui concerne le Coran, je dois préciser que j’ai regretté le fait qu’ils nous ait donné le Livre sacré à lire. Parce qu’ils l’ont utilisé comme moyen de torture après. De la même façon à Bagram pour nous pousser à la folie. C’était un jeu pour eux. Ils venaient le prendre un jour, ils nous le redonnaient un autre jour, puis venaient le reprendre et ce, pendant toute la durée de notre incarcération. Sans oublier tous les autres aspects que j’ai décrits plus haut. Evidemment, on ripostait par des grèves de la faim, des cris, des tentatives de suicide, des coups et à chaque fois, nous étions mâtés dans le sang. On pouvait aussi venir te raser le crâne et la barbe, te faire manger ce qu’ils voulaient, te faire des injections et te jeter dans un cachot en isolation. On leur disait de nous torturer physiquement, mais de ne pas toucher au Coran, mais il n’y avait rien à faire. Leur objectif était de nous toucher dans ce que nous avons de plus précieux.

Avez-vous été victime d’injections forcées ?
Nous acceptions tout de leur part. Je me disais que c’était mon destin et je patientais. Mais ce sont les maladies qui avaient le plus fait de mal. À cause de ces injections, beaucoup d’entre nous ont été malades. Qui souffrait du foie, d’autres des reins, d’autres sont devenus hystériques et d’autres asthmatiques comme je le suis depuis mon séjour là-bas. D’autres étaient constamment anémiés et à chaque injection, ils étaient au plus mal. Je ne vous parle même pas des problèmes de peaux dont presque tout le monde souffrait ainsi que le rhumatisme à cause du froid et de l’humidité.

Et ce problème d’hémorroïdes. Est-il vrai que beaucoup ont eu des poussés hymorroïdales graves ?
Absolument. Tous, nous avons eu ce type d’infections et je pense que c’était voulu pour nous humilier davantage. Certains ont eu des opérations pour éviter la douleur. Les Américains se moquaient de nous en parlant de la façon dont ils manipulaient les organes génitaux des détenus. Ils savaient que c’était la plus grande humiliation pour un musulman de se laisser toucher l’anus et faisaient tout pour que nous soyons tous malades. Certains ont eu des injections anales à l’aide de longs tubes que l’on introduisait par l’arrière. Nous avons tous eu des complications suite à ce type d’injections et jamais on n’a su pourquoi nous avons été les cobayes d’un tel laboratoire secret. Il est clair que nous étions tous au plus bas psychologiquement après de telles interventions et cela a même poussé certains d’entre nous à des tentatives de suicide. Pour eux, la torture physique fait partie du passé. Ils ont essayé sur nous d’autres formes de sévices qui nous affectaient plus que les coups. Pour ma part, j’ai ramené avec moi l’asthme. Et il a fallu que je retourne chez moi, pour me sentir mieux et respirer.

Il y a eu des cas de folie et des tentatives de suicide…
Bine sûr et on le savait et devant nos yeux, des hommes sont devenus fous. Ils ne pouvaient pas tenir le choc. Ici, je tiens à dire qu’il y a un Marocain qui a sombré dans la folie. Il faut que nous fassions quelque chose pour lui. Il faut que le monde sache qu’il est maltraité, mal soigné et qu’il est urgent de le sauver.

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